Après « La chanson du poulet vide », l’auteure française Lucie Rico publie « GPS », un formidable nouveau roman mi polar mi fable sur l’amitié, la mort et les illusions du deuil face à nos addictions numériques.

Le premier roman de Lucie Rico, intitulé « La chanson du poulet vide », avait fait forte impression lors de sa parution en 2020, malgré le confinement. Cette fable gastronomique irritante et astucieuse au titre poétique transportait les lecteurs dans une ferme à ciel ouvert où s’ébattaient deux gallinacés, Théodore et Lolita.

En cette rentrée littéraire, la Perpignanaise revient avec un nouvel ouvrage. « GPS », aux éditions P.O.L., raconte l’histoire d’Ariane, journaliste agoraphobe en recherche d’emploi, à la deuxième personne du singulier. Pour se rendre aux fiançailles de Sandrine, sa meilleure amie, Ariane doit suivre la position que cette dernière a partagée sur son téléphone. Grâce au point rouge, Ariane se rend à la fête.

Mais le lendemain, Sandrine disparaît sans laisser de trace, sauf ce point qui continue d’avancer et qu’Ariane ne quittera plus des yeux. L’appli devient votre meilleure amie, dans tous les sens du terme. Et lorsqu’un cadavre calciné est retrouvé au bord d’un lac où Sandrine s’est rendue, Ariane, experte en faits divers, enquête, bien que le point rouge bouge toujours.

La novlangue du téléphone

La novlangue du téléphone

Comme point de départ de cette enquête littéraire, Lucie Rico cite le film d’Hitchcock « Fenêtre sur cour ». « Je voulais m’interroger sur le fait d’être accro à votre téléphone. Quel nouveau voyeurisme cela crée-t-il ? Il y avait un intérêt littéraire pour ce nouveau jargon du téléphone portable, Google Maps et le partage de localisation, que je voulais vraiment explorer avec un livre », a-t-il déclaré. RTS qui est également scénariste et réalisateur.

Si aucun des lieux mentionnés dans le roman n’existe dans la réalité (« sauf un », précise Lucie Rico), les coordonnées des points GPS de ces lieux cachent quelques surprises. « Les chiffres qui apparaissent sur la page changent le sens des mots, avoue Lucie Rico. Ariane est piégée par ce point rouge de Sandrine, elle est absorbée par cette amitié qui ne se déroule désormais que de manière fictive et c’est pourquoi elle a voulu toutes les coordonnées GPS du livre sont aussi des pièges pour le lecteur, des codes à déchiffrer ».

Comme un thriller

Comme un thriller

Ecrit comme un thriller, « GPS » emmène ses lecteurs à la frontière entre le monde réel et le support numérique. Un thème cher à Lucie Rico, qui aime les mondes étranges et parfois inquiétants. « Interroger ce qui nous entoure sur le mode de l’angoisse pour la mettre en phase, la faire apparaître, est un moyen efficace de montrer les dissonances cognitives que nous avons tous, comme le fait qu’il est naturel de ne pas connaître un paysage que de le regarder. son téléphone, se rendre à un enterrement numériquement ou être tout le temps derrière son téléphone lors d’un concert… Enfin, ce sont de nouveaux modes d’existence perçus comme normaux, mais qui le sont vraiment, et surtout, qu’est-ce que cela signifie ? créer comme rapport au réel ? », demande Lucie Rico.

Interview de Julie Evard

Lucie Rico, « GPS », éditions P.O.L.