Publié le 30 sept. 2022 à 10:58 Mis à jour le 30 sept. 2022 à 15:31

« J’avais quatre managers masculins. Deux ont reçu leur convocation militaire. Deux ont pris les devants et se sont enfuis. Résultat net : aucun n’est au travail… » Parmi tant d’autres, ce chef d’entreprise à Moscou s’interroge sur les maux économiques de « l’opération spéciale » en Ukraine, une semaine après l’annonce par Vladimir Poutine de la « mobilisation partielle », selon le deux euphémismes du chef du Kremlin.

Avant le concert, le feu d’artifice et autres festivités prévues ce vendredi soir sur la Place Rouge, le président doit prononcer un discours devant les parlementaires. Formaliser le rattachement des régions ukrainiennes de Lougansk et Donetsk (à l’Est) et Kherson et Zaporijia (au Sud). Sans doute aussi pour annoncer une nouvelle étape dans l’escalade militaire : l’« opération spéciale » pourrait devenir l’« opération antiterroriste », un cran en dessous de la déclaration de guerre.

Télétravail à la campagne

Loin des discours militaires et des menaces de recours aux frappes nucléaires, les chefs d’entreprise ont surtout la tête dans le broyeur. Confiée aux régions, la mobilisation militaire « partielle » s’est transformée en désorganisation administrative généralisée. Les gouverneurs régionaux reçoivent des appels de patrons locaux demandant des exemptions et des dérogations pour leur personnel. Voir l’article : Covid-19 : la recrudescence de l’épidémie pèse sur l’économie chinoise. Tout se négocie au cas par cas. Mais le problème est mondial : en une semaine, au moins 300 000 hommes ont été mobilisés et pour échapper à l’enrôlement, quelque 260 000 autres auraient quitté la Russie. C’est un demi-million de travailleurs qui manquent maintenant à l’économie.

En réalité, les situations sont très variables. L’hémorragie a été particulièrement forte dans le secteur technologique. Mais de jeunes informaticiens réfugiés à l’étranger continuent de travailler à distance. Dans d’autres secteurs, le télétravail s’est également étendu à la campagne : les cadres ont quitté leur domicile et ne se présentent pas au bureau, pour ne pas recevoir formellement d’appel militaire. Cachés dans leur datcha, ils continuent à remplir leurs devoirs professionnels.

Ce n’est pas possible pour les métiers manuels. De nombreuses chaînes de magasins, y compris parmi les enseignes françaises encore présentes en Russie, peinent à maintenir leur rythme : plusieurs manutentionnaires sont partis. Auchan a ainsi vu 2 300 de ses salariés mobilisés.

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Contraction supplémentaire de 0,5 % du PIB

En raison de cette pénurie de main-d’œuvre, qui devrait entraîner une baisse parallèle de la demande intérieure, la mobilisation militaire pourrait couper la croissance de 0,5 point cette année, selon une enquête d’économistes de Bloomberg. Sur le même sujet : L’économie collective, une utopie ?. Les secteurs de l’agriculture et de la construction seront parmi les plus durement touchés, car la majorité des conscrits viennent de zones rurales et pauvres.

Pour le moment, aucun chiffre officiel n’a été publié. Mais certains signes sont indubitables. A Moscou, de nombreux panneaux publicitaires, dans la rue et dans le métro, sont désormais recouverts de portraits de soldats célébrés comme des « héros ». Il s’agit d’afficher de la propagande militaire aux passants. Mais aussi pour boucher les trous : latente, la crise économique se fait déjà sentir et les vraies publicités commerciales se font de plus en plus rares.

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