Les promoteurs en Chine n’ont pour l’instant livré qu’environ 60% des logements prévendus entre 2013 et 2020. Ne voyant pas l’avancée des travaux, certains acquéreurs refusent désormais d’effectuer leurs mensualités.

Nouvellement marié, M. Wang était sur le point d’emménager avec sa femme enceinte dans leur nouvel appartement. Mais le rêve vire au cauchemar avec la crise immobilière en Chine empêchant certains organisateurs d’achever les travaux. Pour acheter la maison il y a trois ans, le futur papa de 34 ans a contracté un prêt équivalent à 300 000 euros. Mais en l’absence d’avancée sur le site depuis près d’un an, il prend une décision radicale : arrêter de payer les mensualités.

Comme lui, des acheteurs dans des dizaines de villes boycottent les remboursements pour faire pression sur les promoteurs… eux-mêmes criblés de dettes et à court de liquidités.

Il habitait Pékin et projetait d’emménager dans cette maison achetée à Wuhan, une grande ville du centre de la Chine. « C’était difficile pour nous de nous payer cet appartement. J’y ai mis toutes mes économies », explique-t-il. « Au final, nous devons encore rembourser deux millions de yuans (300 000 euros) pour le prêt. »

Tour de vis des autorités chinoises

Tour de vis des autorités chinoises

La Chine a connu un boom du secteur depuis la libéralisation du marché immobilier en 1998. Les promoteurs ont pu se développer grâce aux prêts bancaires. Mais leur dette a tellement gonflé qu’à partir de 2020 les autorités ont décidé d’y mettre un terme.

Cela a réduit les options de financement pour les géants de l’immobilier tels que l’ancien Evergrande, qui a lutté pendant des mois pour rembourser des montagnes de dettes.

La tâche est compliquée par ces boycotts des mensualités et par la pression du gouvernement – soucieux de stabilité sociale – pour livrer au plus vite les appartements aux acquéreurs.

Une crise de confiance

A Wuhan, d’autres futurs propriétaires ont indiqué à l’AFP que la date de livraison de leur logement a été repoussée à plusieurs reprises par le promoteur Myhome Real Estate. Ils devaient emménager fin 2021, mais ne voient toujours rien venir. Le constructeur a promis cette semaine qu’il espérait achever le chantier d’ici fin 2022.

En Chine, les appartements neufs sont généralement vendus avant d’être construits. Ainsi, lorsqu’un développeur ne parvient pas à terminer le travail, c’est l’acheteur qui se sent lésé. Cela a conduit à une véritable « crise de confiance » dans le marché immobilier, estime Andrew Batson, analyste chez Gavekal Dragonomics, dans un récent rapport.

« Je n’aurais jamais pensé que cela pourrait arriver », a déclaré à l’AFP Hu, un acheteur de 25 ans originaire de Wuhan, à propos de sa maison inachevée. Il explique que toute la famille a payé pour financer l’achat en 2018 de son appartement de trois chambres. « Je ne veux plus payer », a déclaré M. Xue, un autre acheteur. Ne pouvant rentrer chez lui, le jeune homme de 24 ans loue un appartement dont le loyer pèse lourdement sur ses finances. « Ce n’est pas ignorer la loi ou les contrats. C’est juste que cette pression nous met dans une situation impossible. »

Sa famille a apporté un premier versement de 800 000 yuans (116 000 euros). Il a également contracté un emprunt de 600 000 yuans (87 000 euros).

Selon plusieurs acheteurs de Wuhan, des protestations de propriétaires mécontents ont eu lieu dans la ville.

300 projets immobiliers concernés

En tout, plus de 300 projets immobiliers dans une centaine de villes sont concernés par ces boycotts de paiement, selon un document collaboratif mis en ligne sous le titre « WeNeedHome ». Beaucoup sont situés à Zhengzhou, une grande ville du centre de la Chine, où les autorités ont cependant créé un fonds pour aider les développeurs afin qu’ils puissent terminer leur travail.

Selon Nomura Bank, les promoteurs en Chine n’ont jusqu’à présent livré qu’environ 60 % des maisons prévendues entre 2013 et 2020.

Les difficultés de l’immobilier chinois, qui représente un quart du PIB du pays, ont été exposées l’an dernier quand Evergrande a commencé à peiner à rembourser ses créanciers.

Désormais, la perte de confiance des Chinois dans le secteur pourrait encore aggraver la crise, prévient Tommy Wu, analyste chez Oxford Economics.